Les réflexions photographiques
 

Nature morte et nouvelles vanités

 
Courges rares

Vanit és humaines que nous cultivons sans fin, aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain…

 
 
La sotte vanité, jointe avec l'envie, deux pivots sur qui roule aujourd'hui notre vie.
[ Jean de La Fontaine, extrait des Fables ].
Les nouvelles vanités du langage
  Œuvre économique  
Biomasse à valeur intrinsèque Médiacultures en dosettes Paupérisation naissante
Brent de la Mer du Nord L'introspection N'tiques
Clones connexes Excroissances inflationnistes Phénomène boursier
     
Déviant hétérodoxe Déviant hétérodoxe Opérateurs booléens
L'éthique chrématistique Léviathan Où courge ?
The dumping substance Géopositionnement radial Part de marché (Bio)
Série

La série est composée de 20 photographies.

Textes et photographies
© Laurent Meynier
2005-2007
Les réflexions photographiques.

 
 
Expostion
fleche 2007
Festival "Art'photos"
de Baratier (05)
 
 

20 vanités choisies

Marcel Duchamp* visitant en 1912 une exposition de technologie aéronautique aurait déclaré à Fernand Léger et Brancusi :
« La peinture est morte ; Qui pourra faire mieux que cette hélice ? Dis-moi tu en serais capable, toi ? ».
La technologie avance sans état d'âme. Pour Marcel Duchamp, la peinture est devenue vaine, comme toute opération technique d'ailleurs.
Dans cette série de cucurbitacées, coloquintes, courges, potimarons, patissons citrouilles et autres potirons, j’ai choisi de faire le rapprochement entre la photograph[ Nature morte et nouvelles vanités ]ie et la peinture pour reformuler une synthèse évidente (réalisme photographique de la peinture) dans le sens inverse (picturalisme de la photographie). J’ai utilisé des compositions classiques comme en peinture, avec un éclairage de studio comme en photo et un post traitement « moderne » usant des outils informatiques, dans une démarche résolument vaniteuse. Mis à part un rideau noir de fond, je n’ai pas employé de représentations morbides ou de symboles mortuaires. Cela me semblait inutile puisque le temps, et donc l'idée de la mort, sont déjà liés à l'acte photographique.

 

Langage et réalité

Le langage est la clef de voûte de tous les aspects matériels que nous cultivons (en vain) aujourd‘hui plus que jamais. Les mots choisis dans l’élaboration des discours « officiels » peuvent cacher à travers une présentation séduisante et colorée, une véritable vacuité du propos imposé aux supposés béotiens que nous sommes. C’est pourquoi j’ai voulu questionner le rapport entre le fond et la forme du langage, qu’il soit artistique, financier, religieux, politique ou purement technique. C’est une façon de transposer les codes à travers les âges pour faire le parallèle avec les vanités de notre société moderne (et toujours mortelle).

Vanités à travers les siècles

Le genre pictural des "Vanités" semble être à l'origine de la "Nature morte" telle qu'on la connaît aujourd'hui. Malgré des airs pompeux de peinture décorative, la Nature morte est d'abord une évocation de la mort.
Depuis toujours, la mort est un objet de préoccupation et son expression témoigne de l'inquiétude qu'elle suscite chez les artistes. Dans la peinture, sa représentation a rapidement pris une forme squelettique plus ou moins poussée, dont le crâne humain est le symbole le plus répandu.

Ce thème des vanités nous ramène à l'aspect religieux qui a prédominé dans la peinture du Moyen âge jusqu'au XVIIe siècle, dans les écoles Française, Hollandaise (Pieter Claesz*), et Espagnole (Juan de Valdés Leal*), pour disparaître ensuite presque complètement. À cette époque, la motivation du peintre à utiliser une telle mise en scène est double :
- D'une part le propos est fortement encré dans un discours moral religieux, aussi bien chez les Catholiques que chez les Protestants -"Vanité des vanités, dit l'ecclésiaste, et tout n'est que vanité".
Il faut y voir une mise en garde sur les plaisirs de la vie, le rappel que nous sommes mortels et que nous serons jugés sur nos actes (Pour l'église, tout est vanité ; l'homme est vaniteux par nature puisque imparfait tout en étant conçu à l'image de Dieu).
- D'autre part, l'iconographie imaginaire spécifique qu'il est possible de développer est une source esthétique abondante pour un artiste.
Cet aspect peut d'ailleurs sembler paradoxal dans le fait de dénoncer le vide de sens des actes humains en utilisant une forme picturale baroque, elle-même éminemment vaniteuse. De nombreux  philosophes (dont Pascal*, Nietzsche ou Goethe*) ont abordé le thème de la vanité humaine, et analysé sa relation avec la peinture, quasi unique moyen de représentation pendant plusieurs siècles. Ce n'est qu'au début du XXe siècle (après l’avènement de la photographie) que les Peintres Cézanne et Picasso travaillèrent à nouveau en utilisant ce concept, dans des compositions symboliques, sans volonté de représentation réaliste.

Aujourd'hui, notre relation avec la représentation de la mort n'est peut-être pas aussi forte qu'au XVIIe siècle, mais malgré la profusion d'images violentes ou morbides qui nous sont livrées par les médias modernes, et une certaine désacralisation religieuse (occidentale) de l'événement, le tabou existe toujours ; ce qui démontre que son statut moral perdure en dépit de l'ouverture des limites des modes de représentation.
Ont travaillé ce thème récemment, Gerhard Richter* en peinture et Joël Peter Witkin* en photo, pour qui l'aspect symbolique mortuaire redevient une préoccupation centrale et une clé de compréhension de l'œuvre.

« L’art a toujours eu un lien avec la détresse, le désespoir, le désarroi. C’est un aspect que nous négligeons souvent en extrayant les éléments formels et esthétiques pour les isoler. Nous cessons alors de voir le contenu dans la forme et considérons la forme comme un contenant (comme une belle enveloppe faite avec talent) et un complément qui vaut la peine d’être examiné. Pourtant le contenu n’a pas de forme (comme un vêtement dont on peut changer) mais est forme (qui ne peut pas être interchangeable) ».
[ Gerhard Richter, Notes, 1982-83, dans Écrits, Dijon, Les Presses du réel, collection Écrits d’artistes, p. 115-116 ]. Extrait de la thèse de Karine Lanini*.

"Primitivement l'individu fort traite, non seulement la nature, mais encore la société et les individus faibles comme des objets de proie : il les exploite tant qu'il peut, puis continue son chemin. Parce qu'il vit dans une grande incertitude, alternant entre la faim et l'abondance, il tue plus de bêtes qu'il ne peut en consommer, pille et maltraite plus d'hommes qu'il ne serait nécessaire. Sa manifestation de puissance est en même temps une expression de vengeance contre son état de misère et de crainte ; il veut, en outre, passer pour plus puissant qu'il n'est, voilà pourquoi il abuse des occasions : le surcroît de crainte qu'il engendre est pour lui un surcroît de puissance. Il remarque à temps que ce n'est pas ce qu'il est, mais ce pour quoi il passe qui le soutient ou l'abat : voilà l'origine de la vanité."
[ Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain ].

Liens
 
Nouvelles vanités
 

fleche Thèse de Karine Lanini.
fleche Musée Sorbonne Atelier critique de la photographie.
Sur Marcel Duchamp
fleche The Marcel Duchamp World Community
Marcel Duchamp en
fleche Français sur le web
fleche Étant donné, revue.

 
 
Bibliographie
• Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir  (1882-1887), Œuvres II, Robert Laffont, Bouquins 1990
• Régis Debray, Vie et mort de l'image, Folio, Essais 1992
• Merleau-Ponty, L'œil et l'esprit, Folio, Essais 1960
• Tom Wolfe, Le Bûcher des vanités, Le Livre de Poche 2001
• Allard Laurence, Macé Eric, Maigret Eric, Pasquier Dominique, Glévarec Hervé, Penser les Médiacultures, Armand Collin, 2005
.
 
 
Quelle vanité que la peinture qui attire l'admiration par la ressemblance des choses, dont on n'admire point les originaux !
[ Blaise Pascal, extrait des Pensées sur la religion ].
 
 

Je remercie le service Animation de la Mairie de Gap à Charance qui m'a permis de réaliser ces images à l'occasion de l'exposition des fruits d'automne en 2005.

 
 
contact
Plan du site
Haut de page

Nouvelles vanités | Gestes imaginaires | Fruits oubliés | Langage et vanités | Natures humaines | Figures de plâtre | Poivrons chauds